Avoir un site web, c’est (encore) bien

Il y a deux mois, la newsletter Opquast [1] parlait de ces fameux articles « La mort de », où très régulièrement un prophète nous annonce la mort d’un truc technique. Semble-t-il ça fait vendre. Il y a quelques années, c’était “So and so, considered harmful” (ceci-cela considéré comme dangereux), mais c’est passé de mode.

Vous y êtes habitués : tous les mois ou presque, je cite ici un article qui prédit la mort d’un truc. Si le truc en question est à la mode, ça rapporte plus de points. Par exemple, récemment, un article prédisait la mort des chatbots (+20 points). Aujourd’hui, voici un article qui annonce la mort du site Web. Subite, en plus (+10 points) et avec un titre qui fait penser à un film d’horreur (+10 points) et qui laisse envisager une suite (+10 points). Sérieusement, sur le fond, il est possible que ça se passe comme ça, c’est-à-dire que des entreprises vont décider de ne plus avoir de site Web. Jusqu’à ce qu’elle se rendent compte que c’est quand même bien d’en avoir un.
The sudden death of the Website.

Nous sommes à un moment particulier de l’histoire du Web. Après des tâtonnements (Orkut, Myspace, etc.), les plate-formes sociales ont mûri et pris une telle place (Facebook, Twitter, etc.) que certaines compagnies ont énormément investi dessus, au point de délaisser en partie leurs propres sites web.

C’est dramatique à plus d’un titre. D’abord parce que certains commencent à en revenir (Facebook qui ne diffuse plus tout ce que vous pensiez diffuser à vos abonnés) ; ensuite parce que ces plate-formes sont loin d’être pérennes : je parlais d’Orkut et Myspace juste au-dessus, parties dans l’au-delà des services qui un jour ont semblé centraux dans la vie numérique de millions de personnes.

Note liminaire : on pourrait ici digresser vers RSS, technologie simple qui, elle, ne meurt pas, et rappeler qu’elle est le truc le plus simple (et souvent déjà fourni par votre gestionnaire de contenu) pour suivre des contenus éditoriaux.

Par ailleurs, les « concours gratuits et sans obligation d’achat », quand ils sont organisés sur Facebook, posent le problème d’adhésion à la plate-forme. Ça fait des années que je ne fais plus de concours parce que je n’ai pas de compte Facebook. J’aimerais un jour l’avis d’un juriste sur cette notion de non-obligation, vu qu’on est là obligé d’adhérer à la plate-forme pour jouer.

Le mouvement citoyen, parti de la base, #deleteFacebook, montre bien les risques pris par la plate-forme sociale que tout le monde trouvait indéboulonnable il y a encore quelques mois. Quand Mark Zuckerberg est convoqué devant le Sénat américain, c’est un signe que ça lui chauffe aux oreilles.

Je ne vais pas à mon tour prédire la mort d’un truc — en l’occurrence ça me ferait plutôt plaisir pour la protection de votre vie privée : imaginez ce que le réseau sait de vous, comparez avec ce que le gouvernement de Vichy savait de vos grands-parents, et versez des larmes de sang. Mais je m’égare.

Pouf pouf. Je ne vais pas à mon tour prédire la mort d’un truc, mais ne pas jurer que par Facebook c’est éviter de se faire prendre à leur (très malin) jeu de dupes. Avoir son propre site web, c’est assurer la pérennité de sa marque, quelle qu’elle soit (ça marche même pour quelques individus : mon site perso est ma « marque » dans mon cercle social [2]). Avoir son propre site web, c’est se réapproprier le trafic de plus en plus souvent confisqué par les plate-formes sociales, c’est pérenniser les liens qu’on peut faire avec vous [3].

En un mot : avoir un site web, c’est assurer une présence durable. Les intermédiaires, ça va et ça vient.

Notes

[1Newsletter que je te recommande, lecteurice, si tu n’y adhères point déjà.

[2J’en parlais à Paris Web 2012 dan une Lightning talk où je citais Bourdieu et le marché sur lequel nous sommes tous des produits.

[3Les redirecteurs de t.co vers bit.ly etc. qui au final pointent, de temps en temps, vers votre contenu original ne sont, eux non plus, pas très pérennes. Lire Cool URIs don’t change de Tim Berners-Lee, article qui justement n’a jamais changé d’adresse depuis vingt ans (CQFD). Voir aussi la conférence Esthétique et pratique du Web qui rouille, où Karl Dubost et Olivier Théreaux réfléchissent, inversement, à l’inévitable destruction d’une partie du patrimoine et comment on la gère.

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