Paris est une chanson

Une petite musique dans la tête.

Depuis que je prends les transports en commun à Paris, tout l’exotisme qu’ils comportent quand on vient de province n’a pas disparu.

Chaque fois que je passe à Grands Boulevards, j’entends Yves Montand qui de sa voix enjôleuse rappelle qu’il aime y flâner. Il y a tant de choses à voir. Ah oui, Paris est inépuisable.

Et depuis quelques semaines que je passe à Madeleine, c’est Jacques Brel qui m’est évoqué. Ce soir il attend Madeleine pour l’emmener au cinéma.

« Je lui dirai des “Je t’aime”, Madeleine elle aime tant ça. »

Magnifique phrase, retournement du verbe aimer, et ce genre d’oxymore dans la banalisation du verbe « aimer, » qui n’est pas et ne sera jamais banal.

À Bibliothèque François Mitterrand, j’entends la Marseillaise de 1981, celle d’une jeunesse qui croyait enfin tenir le changement.

Mais où sont nos rêves d’antan ? demande Barbara.

J’évoque alors un camarade africain rencontré à la fac, qui a été tellement étonné de ne pas voir d’accordéoniste en arrivant pour la première fois dans une gare parisienne.

Et arrive Maurice Chevalier, qui reprend la rengaine des Aristochats, avec voix traînante qui gouaille, qui rocaille et qui martèle « les Ari-sto-cats ! »

Je souris, je sifflote, et je souris parce que je sifflote. Une nouvelle journée commence.

(Note en passant, qui n’a rien à voir à part dans la simultanéité : au moment où j’écrivais ces mots dans cette graphie illisible que personne ne m’envie, mais qu’un jour, vous verrez, on trouvera décorative, deux femmes à l’âge indistinct, entre vingt et trente ans, sont montées dans le métro et se sont assises, l’une à côté de l’autre, sur la banquette de l’autre côté de la rame, à contre-sens de moi. Celle qui est près de la vitre est assez trapue, et l’autre s’appuie assez vite sur elle, la tête sur l’épaule, les yeux fermés, comme pour prolonger sa nuit. C’est doux à regarder. Vu leur différence d’âge, ce ne sont pas une mère et sa fille, et vu leur âge, ce ne sont pas non plus les petits câlins d’adolescentes qui jouent la provocation. Au bout d’un moment, mon regard croise celui de la plus grande : je ne sais pas qui d’elle ou de moi sourit le premier. Elle dit quelque chose à sa compagne, qui relève la tête, me regarde, sourit à son tour. Je pense aux débats en cours sur le mariage homosexuel, à l’homophobie toujours présente, et je me demande pour la énième fois pourquoi on pourrait vouloir du mal à ces gens qui ne vous demandent rien et qui vous sourient dans le métro.)

Commentaires

  • Tu as failli me faire chialer, grand couillon.

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  • Franck (13 avril 2013)

    Me souviens d’en avoir croisé deux, gentillement amoureuses, dans le métro. C’était joliment apaisant !

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  • Sacrip’Anne (15 avril 2013)

    J’ai la chance de ne fréquenter Paris intra muros que pour le plaisir ou quasi. Du coup, c’est métro aux heures les plus chouettes et disponibilité d’esprit pour témoigner de ce genre de moments. Alors je suis archi fan de ce genre de billets !

    C’est joli, ces sons et images de Paris, dis donc. Ca donne le sourire.

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  • Marie (15 avril 2013)

    La chanson française et la plus belle ville du monde, mariage parfait....quant à ces deux femmes croisées dans le métro, elles ne demandent qu’à s’aimer et dieu que c’est beau deux êtres qui partagent ce sentiment, de sexe opposé ou de même sexe quelle importance....en écrivant ce mot j’entends "la différence" de Lara Fabian....
    j’aime beaucoup ton billet et tu as un don pour l’écriture, à quand un vrai bon livre ??? Bises frangin

    Répondre à Marie

  • Stéphane (15 avril 2013)

    Sacrip’Anne : Du coup, c’est métro aux heures les plus chouettes et disponibilité d’esprit pour témoigner de ce genre de moments. Alors je suis archi fan de ce genre de billets !

    Ah bin c’est gentil ça. Note que moi j’y suis à toutes heures et que malgré tout j’y souris et que j’essaie d’être encore galant. C’est vivable, et pourvu que ça dure !

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  • Stéphane (15 avril 2013)

    Marie : à quand un vrai bon livre ?

    Je viens d’en lire un, tiens : Écrire est une enfance de Philippe Delerm. Un article suivra :)

    Répondre à Stéphane

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