Petit traité de l’abandon, Alexandre Jollien

Des pensées en vrac, à l’un des innombrables tournants de l’existence.

Un mien camarade qui cherche la sérénité m’a prêté Petit traité de l’abandon d’Alexandre Jollien, philosophe et handicapé physique.

Ça rejoint un grand nombre de réflexions que j’ai en ce moment, sur l’acceptation de soi, du handicap, de l’âge, de la vie qui avance. Mais aussi sur la vie en général, l’adaptabilité aux épreuves, à la souffrance. Sur les autres, l’image de soi.

Sur la méditation, aussi : sujet dont Virginie m’a rendu curieux dans son Petit précis de créativité, et puis que je retrouve ces temps-ci dans mes discussions avec Emmanuel. Sur l’idée que je cherche à mieux vivre, comme tout le monde, mais pas être plus riche, simplement plus en harmonie avec moi-même, ce qui me compose et ce qui m’entoure.

Je tente une expérience, aussi, depuis que j’ai complètement changé d’environnement professionnel : je m’essaie à la bienveillance. Par habitude, par essence, on cherche le mal partout, on s’impatiente. Au fond on voudrait que les gens soient un reflet de nous-mêmes, pour éviter de devoir faire l’effort de communiquer, de se mettre à leur niveau, etc.

Alors depuis quelques jours, je pars du principe que les gens ne font pas exprès, qu’ils ne sont pas méchants, qu’ils sont pressés par N facteurs autour d’eux et qu’ils veulent faire au mieux.

Goethe prend une belle image, familière : il décrit un caillou qu’on lance dans un étang, et qui, de ricochet en ricochet, fait apparaître des ronds de plus en plus grands à la surface de l’eau, lesquels finissent par embrasser tout l’étang. Pourquoi, comme l’inspire cette image, ne pas profiter de cette amitié dans le bien que l’on nourrit déjà pour nos proches, pour nos amis, pour l’agrandir à l’humanité tout entière ?

L’idée est de ne plus se mettre la rate au court-bouillon [1], de suivre ce qui arrive et de tenter de le régler sans conflit intérieur ou extérieur. Un genre de tao, en somme.

Et puis on ne dirait pas mais j’ai commencé mon adolescence plein de misanthropie (je vous raconterai ça un jour, au coin du feu). Maintenant je crois être beaucoup plus ouvert, et je veux ces temps-ci approcher les gens avec une attitude bienveillante. Ce n’est pas toujours facile, il y a une grosse paranoïa permanente à combattre. Sans compter que comme la plupart des gens qui nous entourent, je joue souvent un rôle, plein de jovialité et de logorrhée lassante.

De nombreuses douleurs sont induites par cette comédie intime que l’on ne cesse de jouer. On joue un rôle pour obtenir de l’affection. On joue un rôle pour être aimé. D’où l’immense besoin de se sentir aimé inconditionnellement.

L’une des voies vers la liberté intérieure n’est pas à trouver dans l’affirmation de soi, comme on l’entend trop souvent, mais juste dans le fait d’être là. Juste être soi, ni plus ni moins, et être ouvert à l’autre.

On verra bien.

Notes

[1Et puis si au passage on peut se faire plaisir avec des expressions surannées, c’est double bonus ! Ça me fait penser : allez voir ce que fait Franck ces temps-ci, c’est un plaisir de gourmet.

Commentaires

  • Je trouve la démarche (ou l’attitude) intéressante et icastique et je serais prêt à l’adopter — cela dit je me demande si ce n’est pas déjà dans ma nature d’être bienveillant avec les autres — à ceci près qu’avec certain (ils sont peu, certes, mais ils existent) j’ai un passif que j’aurais du mal à mettre de côté, mon mouchoir n’étant pas assez grand pour cela. Ça s’accorde mal avec sa fierté personnelle, qu’elle soit légitime ou pas.

    Bref, j’espère que tu reviendras nous dire, dans quelques temps, le résultat de ce changement, pour toi et pour les autres !

    Répondre à Franck

  • Franck : Je parle bien d’aborder les gens avec un regard bienveillant.

    Ceux avec qui il y a un passif, l’ardoise ne s’efface évidemment pas comme ça.

    Répondre à Stéphane

  • C’est amusant de lire ça ici car tu es une des personnes que je considère comme la plus bienveillante qui soit. Je ne dis pas ça pour te flatter gratuitement, je le pense. Peut-être que je confonds simplement gentillesse et immense disponibilité avec ce que tu entends par bienveillance.

    Comme il m’arrive de le dire, on ne progresse jamais assez. Fais quand même attention à ne pas te réveiller un matin avec de la fourrure orange et un cœur sur le torse ;) http://i.imgur.com/R1lAdNF.gif

    Répondre à Anonyme

  • Alors depuis quelques jours, je pars du principe que les gens ne font pas exprès, qu’ils ne sont pas méchants, qu’ils sont pressés par N facteurs autour d’eux et qu’ils veulent faire au mieux.

    Aborder les gens avec un regard bienveillant, c’est ce que j’ai toujours fait je crois. Et ça me vaut régulièrement des remarques du type "mais qu’est ce que tu peux être naïve !" Qu’il en soit ainsi alors, car je refuserais toujours de prendre les gens pour des idiots. Oui, c’est vrai, j’ai (par défaut) la naïveté de penser que les gens font, comme moi, du mieux qu’ils peuvent ; et que de mon petit point de vue, je ne connais pas le contexte qui les entoure et qui peut les empêcher de faire ce qui m’arrange moi !

    Répondre à Anne-Sophie

  • Ça rejoint un grand nombre de réflexions que j’ai en ce moment, l’acceptation de soi, du handicap, de l’âge, de la vie qui avance. Mais aussi sur la vie en général, l’adaptabilité aux épreuves, à la souffrance. Sur les autres, l’image de soi.

    Je traverse une phase similaire : des peurs à affronter, construire une meilleure image de soi, se concenter sur l’essentiel, lâcher prise sur le reste, avancer toujours et profiter de la vie... ne serait-ce pas ce qu’on appelle la crise de la quarantaine ?

    Répondre à Frank Taillandier

  • Frank : Je ne sais pas, c’est peut-être effectivement lié à la crise de la quarantaine mais pas seulement.

    La crise de la quarantaine c’est quand on devient adultère avec des filles de 20 ans et tout ça, non ? :)

    Je parlais avec Jean-François l’autre soir et m’est venue l’expression « spiritualité laïque. » À creuser…

    Répondre à Stéphane

  • Je suis arrivé par hasard sur cette page.

    En cherchant des écrits sur l’abandon.

    Et d’abandon, il est question puisqu’il s’agit de s’abandonner à la bienveillance, à la tolérance, à l’écoute de l’autre, à la compréhension.

    Pour ma part, j’approche à grands pas de la soixantaine, et, outre la question de la mort, se pose aussi la question de comment vieillir.

    Aigri, revêche, méchant, ou bonhomme, gentil, bienveillant, justement.

    Sans doute y a-t-il dans cette question un choix à faire dans la relation au monde. Suis-je avec ou contre le monde ? Y a-t-il de l’espoir ou le monde est-il définitivement perdu.

    Aspirer à la bienveillance, c’est croire en l’avenir de l’homme. C’est s’émerveiller encore en faisant des ronds dans l’eau.

    Répondre à Denis

  • Denis : Merci pour ce commentaire, c’est tout à fait ça.

    Répondre à Stéphane

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