Amis terriens

Encore quelques notes sur des gens rencontrés ces derniers temps.

La guichetière

À la gare RER de Massy-Palaiseau, je m’approche d’un guichet avec un numéro de dossier pour retirer des billets de TGV.

La dame me dévisage, l’air excédé comme une caricature des années cinquante cachée derrière l’hygiaphone, comme si elle avait eu un tricot en cours que j’allais interrompre.

S’ensuit un dialogue banal, et c’est sans doute cette banalité qui le rend triste, puisque tous les gens à qui vous en parlerez vous confirmeront qu’ils ont eu une expérience similaire à un guichet ou l’autre : Bonjour Madame, j’aimerais retirer un billet de TGV s’il vous plaît.

Je sens l’exaspération monter dans son regard tandis qu’elle répond sèchement : Ah mais Monsieur c’est un guichet RATP ici. Pour le TGV vous devez aller à la gare TGV, (elle montre le mur derrière elle comme s’il était évident que je pouvais distinguer la gare TGV au travers du mur), alors il faut voir là-bas.

Ne me départissant pas de mon sourire commercial (amadouer la bête, toujours amadouer la bête), je la remercie et entame ma question suivante : Et est-ce que vous savez—

Son sang ne fait qu’un tour, et sans me laisser plus loin elle tranche : C’est une gare RATP ici Monsieur.

Je ne souris plus, et sèchement je ne peux que répondre : Merci, au revoir. Le genre de "merci" qui se veut sous-tendu d’une insulte.

Le chauffeur de taxi

Nous sommes à Arcueil et mon collègue doit rejoindre la Gare de Lyon. Il est 14 heures 25 et il espère pouvoir échanger son billet de seize heures pour prendre le TGV précédent, une heure plus tôt.

Le taxi, après avoir fait répéter trois fois à la réceptionniste du bâtiment où nous nous trouvions en réunion que c’est bien Arcueil et pas Argenteuil (je refuse de comprendre), ouvre la portière et fait monter mon collègue.

Un mélange de curiosité et de tension indirecte me fait lui demander combien de temps il lui faut pour aller Gare de Lyon.

Le monsieur me dévisage un quart de seconde et explose : Comment voulez-vous que je le sache ? Je commence juste !

Rechignant à lui faire la conversation pour savoir s’il veut dire que c’est sa première journée de taxi ou s’il n’a pas eu le temps avant de partir de consulter le trafic, j’en déduis que j’aurais dû trouver évident qu’il ne fallait pas lui poser la question.

Malgré tout je lui demande s’il a une idée du trafic (il faut arrondir et arrondir encore son discours, là encore amadouer la bête), et il me répond sur le même ton peu amène : Vingt-cinq minutes sans doute.

Pourquoi ne m’a-t-il pas donné directement cette réponse-là ? L’histoire ne le dit pas.

Le petit passager

Le train vient d’arriver à ma gare. Je descends par le bout du quai, le passage à niveau est encore fermé et les voitures patientent.

Un petit garçon de deux ans est affalé, serein, dans un siège enfant incliné vers l’arrière. Il est complètement décontracté, confiant dans la vie, rehaussé dans son siège qui lui permet de regarder le paysage. Seule sa tête doit faire le tout petit effort de rotation pour voir autour de lui.

Je le regarde, et touché par sa sérénité je lui souris.

Il me regarde, et sans faire de manières il me sourit en retour.

L’enfant est l’avenir de l’homme ?

Commentaires

  • Juju (9 octobre 2007)

    L’autre jour j’étais en bus, et ya un bout de chou à côté qui m’a fait coucou depuis sa voiture ; c’était chouette :)

    Répondre à Juju

  • Neovov (9 octobre 2007)

    Moi je suis jeune et je souris à tous le monde :) ! (oui, même sur Internet)

    En même temps Stéphane, aller chercher un billet de TGV dans une gare RATP... :P

    Pour le taxi je ne peux que m’incliner. Tu avais probablement un signe discintif qui énervait :) !

    Bonne Journée, j’espère que ton voyage était agréable quand même !

    Répondre à Neovov

  • papillon41 (11 octobre 2007)

    Une grand mère demande à Malo (2 ans), si il veut aller jouer avec ses sœurs ; -attend ! dit-il, je fait d’abord un bisous à pépé.

    Le meilleur de l’histoire, c’est que le pépé c’est moi !

    Répondre à papillon41

  • tilly (23 octobre 2007)

    Je le connais ton petit passager, l’an dernier je le croisais le matin dans le tram, je l’avais appele "Bebe Prozac" parce que ses sourires me donnaient la peche...
    Je l’ai reconnu, c’est lui ;)

    Bebe Prozac

    Répondre à tilly

  • Stéphane (23 octobre 2007, en réponse à tilly)

    Hé hé. Ah mais celui-là il était tranquille dans la voiture de sa maman, à attendre que passe le train. C’est mignon, le jour, les enfants.

    Répondre à Stéphane

  • emmo (27 octobre 2007, en réponse à Stéphane)

    C’est fou ce que nos trains-trains de vie nous poussent à être peu aimable, aigri et peu anclin au dialogue simple et à l’échange naturel.

    Il faut croire qu’à l’époque des campagnes et des troupeaux, les gens savaient vivre.
    Comme dirait l’autre, "c’était mieux avant" ?

    En tout cas, c’est touchant et très étrange e voir la place e l’enfant dans tout ces relands et vestiges de manque de civisme et d’amabilité.

    L’enfant qui sourit est un vieux cliché qui dénotte le bien-être et le bon-vivre d’une societé.

    Le plus dur pour un enfant, ce n’est pas de sourire, c’est de continuer à sourire en avançant dans la vie.

    Mais les enfants sont des énigmes lumineuses.

    "Les enfants sont les personnes les moins bien comprises de la terre, et c’est parce que la terre est gouvernée par des grandes personnes qui ont oublié qu’elles furent aussi des enfants". (Julien Green)

    Répondre à emmo

  • Stéphane (29 octobre 2007, en réponse à emmo)

    Il faut croire qu’à l’époque des campagnes et des troupeaux, les gens savaient vivre. Comme dirait l’autre, "c’était mieux avant" ?

    D’abord il reste encore des campagnes et des troupeaux, ouf... Ensuite non, l’effet village peut être tout aussi néfaste au bien-être des gens...

    Mais J’aime bien ta citation finale. Elle est très juste. Quand j’écoute ma gamine je suis épaté de ce qu’elle m’apprend que j’avais oublié !

    Répondre à Stéphane

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