Mes enfants grandissent

J’ai pas mal bourlingué dans ma chienne de vie, mais alors ça, je l’avais jamais vu.

Mes enfants sont nés, comme la plupart des enfants. Et comme la plupart des parents, à la naissance on savait bien qu’ils seraient un peu géniaux (faut dire qu’ils ont de qui tenir, j’ai eu un grand-père charron et l’autre puisatier), sans savoir encore s’ils seraient astrophysiciens ou éthologues comportementalistes, malgré d’abord une incursion somme toute assez banale dans la métaphysique des tubes digestifs, comme disait Amélie Nothomb à l’époque où je la lisais (vous autres moins de vingt ans, tout ça…).

Et puis ils ont grandi, et ont fait ce que font tous les enfants, en somme. Ils ont fait des pipis au lit et puis ils ont arrêté. Ils ont dessiné sur les murs, un peu, et puis on leur a attaché les mains dans le dos et ils ont arrêté. Ils ont appris à lire, à écrire, à compter, à rire poliment aux blagues reloues de leur père bien-aimé (moi).

Ils ont appris à utiliser un ordinateur, à administrer à peu près leur linux — ah bin oui mais c’est comme ça hein, c’est à la dure chez les libristes —, l’une a bloggé, l’autre a installé des jeux.

Ils ont grandi gentiment, appris à sortir les pizzas surgelées du four. Cuites, hein, les pizzas. Non parce que je te vois venir, en commentaire : « Haha hé stef elle est bonne celle-là, hé, c’est facile de sortir une pizza surgelée du four sans se brûler, hé ». C’est pas faux, remarque, mais ce n’est pas le sujet. Et sans se brûler. Pas le sujet, les mains. Suis, un peu.

Et donc ce soir, tandis que je vaquais à des occupations vespérales que j’ai déjà oubliés, mais qui devaient se situer entre me perdre d’une page web à l’autre ou écrire un de ces articles courts mais percutants dont j’ai le secret et qui me valent un lectorat fidèle de trois personnes dont mes parents, mes enfants ont fait un truc épatant. Je ne m’en suis pas rendu compte tout de suite, il a fallu que minuit sonne au beffroi de rien du tout parce qu’on est quand même dans un quartier assez tranquille et pas dans une reconstitution historique, mais bon, allez, minuit et demie le temps que je bouge ma carcasse et que je l’achemine au train de hippie stone que j’ai le soir vers la salle de bains, et là. Là.

J’ai pas mal bourlingué dans ma chienne de vie, mais ça, mon vieux, ma vieille, mes écriture-inclusive-vieilleux, je l’avais jamais vu : ils avaient mis un tube de dentifrice neuf dans le verre à dents.

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