Confinez-moi

J’en ai marre, marre, marre. Je veux rester chez moi.

Oui je sais que le confinement ne va pas à tout le monde et qu’il y a des gens qui préféreraient l’éviter. Oui j’ai entendu dire le premier ministre la semaine dernière que c’est « déplorable pour le moral des français et catastrophique pour l’économie » [1].

Mais je ne sais pas, moi. Je connais des gens qui se sont étiolés parce qu’ils ne pouvaient pas aller saluer des gens dans leur open space (je ne critique pas, hein). Je connais des gens qui ont besoin d’aller au travail, parce que le leur, contrairement au mien, s’effectue dans le vrai monde physique.

Mais moi ? Moi ça fait vingt ans et des que je suis devant un clavier, et que ça ne m’empêche pas de travailler. J’ai été membre du comité éditorial d’un projet international, et on dépotait un article par jour ! J’ai participé à pompage et je l’ai même administré, et on ne s’est jamais vus ! J’ai fait Paris Web avec les copains, et quinze ans après, regarde le staff : ils ne sont pas voisins et ne travaillent pas dans le même espace physique. Et pourtant, crois-moi, ils en abattent.

Alors c’est pas pour frimer, hein, mais je peux bien rester chez moi.

Cette idée d’aller deux jours par semaine au bureau, sous prétexte de sauver l’économie, bin tu sais quoi ? J’en ai marre.

Parce que je peux travailler de chez moi, et que :

  • ça laisse de la place dans les open spaces pour ceux qui veulent voir d’autres gens et ne supportent pas d’être seuls chez eux alors que mon écran, c’est une de mes fenêtres sur le monde : pas une boîte qui m’enferme, non, une fenêtre qui m’ouvre ;
  • ça laisse de la place dans les transports pour ceux qui doivent aller sur place travailler, parce que leur travail l’exige, et ça éviterait plus sûrement qu’on se contamine si on était un peu moins les uns sur les autres dans ces wagons ;
  • égoïstement, ça me reposerait de la menace sourde que je sens quand je dois me déplacer — et s’il y a moins de gens dans les transports, ça reposera aussi les gens que je viens de citer.

Alors ouais, Premier Ministre et Ministre de la Santé, mettez vite en place un « télétravail sur la base du volontariat », si vous ne voulez pas dire le gros mot « confinement » tout de suite (même si on y va à grands pas, faut pas se leurrer), et confinez-moi, je veux rester ici. Je travaille plus tôt, je respire, je prends le temps de manger sans être au coude à coude dans une cantine ou un restaurant parisien, et pourtant je parle toute la journée avec mes collègues.

Confinez-moi, là, maintenant.

Notes

[1On notera que généralement chez les politiques, quand on dit « moral » ça va avec « des ménages », et il faut toujours qu’il soit au beau fixe, c’est une garantie que l’économie ira bien. Après tout, la consommation n’a-t-elle pas augmenté en 1998 après la coupe du monde ? J’en reste encore baba.

Commentaires

  • Sans compter que si toutes celles et ceux qui veulent faire du télétravail n’en étaient pas empêchées par des petites merdouilles hiérarchiques frustrées, le bénéfice en termes de rupture des chaînes de transmission nous permettraient de lâcher la grappe aux professionnels de la restauration.

    Répondre à cyberschtroumpf

  • Stéphane (26 octobre 2020)

    cyberschtroumpf : Chez nous on a de la chance, il n’y a pas de cheffaillons.

    On entend une grosse inquiétude quant au risque psycho-social, que censément on peut réduire en permettant aux gens de se voir pour éviter la « rupture du lien social » (ce n’est pas exactement la formule, je ne sais plus ce que c’est, d’où mes guillemets).

    Bonne remarque pour les professionnels de la restauration.

    Répondre à Stéphane

  • Samuel Martin (27 octobre 2020)

    Il faut opquastiser la French Tech ;)

    Répondre à Samuel Martin

  • Stéphane (27 octobre 2020)

    Samuel Martin : Allez mais carrément !

    Répondre à Stéphane

  • sophie (27 octobre 2020)

    D’ailleurs, c’est quand qu’on s’fait un coucou en visio ? 😗

    Répondre à sophie

  • cyberschtroumpf (27 octobre 2020)

    Stéphane : Entre faire une réunion inutile avec des collègues que je n’ai pas choisi, et boire un verre avec deux ou trois amis le soir en donnant quelques sous au tenancier, pour un même risque sanitaire mon choix de soin psycho-social serait vite fait.

    Répondre à cyberschtroumpf

  • Patricia (2 novembre 2020)

    Oui bien sûr de laisser la liberté car nous sommes de grandes personnes hein !?
    Mais il faut quand même être vigilant et vérifier que cela est un vrai choix. De toute manière cela se voit très vite si la personne s’isole et s’enferme socialement.

    On a encore du chemin à faire je pense sur cette notion de travail à distance, mais on est sur le bon chemin... quelque peu forcé :)

    Répondre à Patricia

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