Gens du RER

C’est septembre, les gens reviennent. Trois portraits rapides dans le carré de quatre sièges où je m’assois seul au début du trajet.

Un monsieur s’assoit devant moi, qui a le langage corporel qu’on associe en pantomime aux gens qui portent des lunettes en culs de bouteilles, malgré pour le sujet qui nous occupe des lunettes pas trop épaisses.

Pour confirmer mon impression il sort de sa gibecière un livret « Grand Optical ». J’en déduis qu’il n’a pas ses lunettes depuis longtemps et cherche ses repères, comme quand on est adolescent et qu’on grandit d’un coup, le corps n’a plus les bons équilibres et l’œil ne s’y retrouve pas.

Et pour appuyer encore un peu plus, au lieu de la méthode roublarde de nettoyage à base de tout-ce-qui-ressemble-à-du-tissu-non-abrasif, il extrait une lingette sur laquelle il applique consciencieusement une pichenette d’une petite bombe de produit nettoyant.


Une femme blonde d’une trentaine d’années qui paraît vouloir se la jouer « pureté absolue », un reste de princesse d’enfance mal digérée peut-être, vient se poser à côté de moi. Les cheveux sont longs, libres, libérés, délivrés. Elle porte la fraîcheur d’une chemise de jean unie bleu clair, et elle a un pantalon de jean légèrement plus sombre, troué de partout parce que bon, elle est jeune et tout ça.

La lumière rase son genou et laisse entrevoir deux ou trois millimètres de duvet de sa jambe, qui se dresse comme un affront à la lisseur à laquelle elle semble tenir.

J’aime bien quand on voit les fêlures des gens qui cherchent un genre de perfection, parce qu’on ne contrôle jamais tout.


Une dame de cinquante ans nous rejoint, les cheveux ont une couleur cuivre sombre dans l’illusoire (là encore) espoir de cacher les racines noires et les longueurs qui blanchissent. Ce n’est pas grave, ce n’est pas grave.

Elle porte un parfum lourd et capiteux. Il est trop tôt pour ça, c’est plutôt le genre de parfum qui sent la robe fourreau noire et la flûte à champagne.


(Note liminaire : je ne me moque pas de ces gens, je serais simplement incapable d’imaginer des personnages, alors je tire le portrait des vivants qui m’entourent.)

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