Faire une grande chose, et puis après ?

(À la demande générale [1], une traduction de l’article publié ce matin en anglais.)

Dans Offscreen numéro 18, Jessica Jackley réfléchit sur la création d’une grande chose et ce qui s’ensuit :

I remember catching up with a friend and asking her with tears in my eyes, “What if I never get to do something as great as Kiva ?” And her sobering answer was, “Well, let’s assume you won’t. It was great and now it’s done. OK. So now what do you want to do ?” Her bluntness gave me the jolt I needed and forced me to dream bigger than work, to think about all the other things I wanted to do in my life.

En français :

Je me rappelle retrouver une amie et lui demander, des larmes dans les yeux, « Et si je ne fais plus jamais quelque chose d’aussi génial que Kiva ? » Et sa réponse, qui donne à réfléchir : « Bon, mettons que ce soit le cas. C’était génial, et c’est fini. OK. Et maintenant, tu veux faire quoi ? » Son franc-parler m’a suffisamment secouée pour devoir rêver plus large que le travail, pour penser à toutes les autres choses que je voulais accomplir.

C’est exactement ça. Je m’y identifie bien.

Quand je parle avec mes copains⋅pines ces jours-ci et que je dis que je ne fais rien d’important lié au Web, iels citent souvent Paris Web comme la chose importante : regarde, tu as vu le succès que ça a eu et son impact sur la communauté front-end française, et ainsi de suite.

D’abord, je ne suis pas sûr que ça ait eu un si gros impact. L’amour est aveugle, et j’irai jusqu’à dire que c’est la même myopie qui recouvre notre vie professionnelle, souvent. Certains peuvent se penser représentatifs de la sphère, mais la communauté, en tout, est une très grosse entité, et nous avons eu un impact, au mieux, sur quelques centaines de personnes. Et par « impact », je parle du même genre d’effet que quand vous allez à un concert : vous vous sentez bien quand vous en sortez, et puis vous retournez au boulot le lundi suivant et rien n’a vraiment changé.

Et même. Même si ça a eu la plus petite influence sur quelqu’un, c’est une vieille rengaine dans mon histoire personnelle. La dernière fois que j’ai contribué à l’organisation, c’était en 20102013 [2]. Depuis j’ai dû me coltiner des questions personnelles, des déménagements, une réorganisation de ma vie privée, prendre soin de mes enfants et de ma santé physique et mentale.

C’est exactement le sujet de cette citation : vous ne faites peut-être rien de grandiose pour votre carrière ou votre environnement professionnel (gentiment appelé « communauté » dans notre euh– communauté) ou la société en général, cependant vous pouvez bien avoir des buts qui sont moins publics ou ont l’air moins importants mais qui sont primordiaux pour votre vie privée. Élever des enfants, par exemple, prend une bonne partie de mon temps en ce moment. Et c’est très gratifiant, bien que difficile à décrire.

J’ai donc décidé de laisser couler, toujours un peu frustré de me rappeler du temps où davantage de gens savaient qui j’étais (quelques centaines de personnes peut-être), et de plus en plus certain que de contribuer à des projets public et « d’être connu » n’est en rien obligatoire pour remplir une vie. Ce qui est important, c’est de faire de son mieux avec ce qu’on a, à l’endroit qui est pertinent pour vous.

Notes

[1Mais si, mais si.

Commentaires

  • vero (1er février 2018)

    Amen to that :)

    Répondre à vero

  • Brice (15 mars 2018)

    Pourquoi ça me fait penser à la chanson "Quand je serais KO" d’Alain Souchon. En tout cas merci pour la·es grandes choses que tu as accompli et qui ont fait des petits.

    Répondre à Brice

  • Stéphane (15 mars 2018)

    Brice : merci 🙂

    Souchon a écrit sa chanson à 45 ans, j’en ai 47. Peut-être que tout bêtement nous entrons dans l’âge des premiers bilans, quand on commence à se retourner sur ce qu’on a fait et qu’on regarde le chemin qui reste.

    Répondre à Stéphane

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