Le distributeur

Des machines comme nouvelle source de conflit entre l’individu et son biotope.

J’insère deux Euros, mon Bounty n’en vaut qu’un mais je n’ai pas de monnaie. Une des dernières fois où j’ai utilisé un tel distributeur, la vis sans fin contenant la sucrerie chocolatée que je convoitais n’a pas tourné assez, et je me suis retrouvé bredouille, me promettant de ne plus toucher à ces machines du diable. Je suis méfiant, je ne la quitte pas des yeux, une lueur attilesque dans l’oeil, mais j’ai faim et j’ai donc cédé à ses appels.

La chance ne pouvant pas toujours décemment me détester, je veux croire qu’elle sera cette fois-ci de mon côté. J’insère donc là où c’est indiqué mes deux Euros et je tape gentiment « 6-3 », ce qui en langage machine veut dire « un Bounty s’il te plaît ». Je regarde gentiment la vis sans fin se mettre à l’oeuvre, mon Bounty s’approche gentiment du rebord et... NON ! Il reste en équilibre sur le rebord de l’étagère sur laquelle est posé le mécanisme de distribution, il ne tombe pas dans le réceptacle où je devais le repêcher ! Ainsi deux fois de suite je serai condamné à mourir de faim devant une machine replète ?

Je regarde autour de moi... non, décidément, dans la salle des pas perdus de la gare de Versailles, il y a trop de monde pour tenter discrètement un défoulant coup de pied qui pourrait du même coup être tout à la fois (me prends-je à rêver) salvateur et nourricier.

Il ne me reste qu’à demander le remboursement de l’Euro qui reste, à partir le ventre creux et à détester définitivement le monde déshumanisé dans lequel nous vivons, où les capitalistes n’ont plus besoin de rien nous vendre pour nous soutirer tout de même nos petits sous. Ce n’est pas possible, pas ça ! Au mépris de tous ces signes du destin, je décide de retaper le fatidique « 6-3 » : il faut qu’une fois pour toutes je sache si je suis maudit, non ? J’enchaîne avec dextérité le 6 (« un Bounty ») et le 3 (« s’il te plaît »).

La vis sans fin reprend sa spirale infernale, laissant tomber le premier Bounty. Me voilà soulagé, je n’ai perdu qu’un Euro dans l’histoire, puisque le deuxième va forcément rester en équilibre là où était le premier une seconde plus tôt. Je mangerai celui qui est tombé et me promettrai une nouvelle fois de ne plus rien demander à ces distributeurs.

Mais ô surprise, je me trompe encore ! Le deuxième tombe lui aussi ! Me voilà avec un festin en main, miam !

Ce n’est pas tout, mesdames et messieurs ! Voilà que la machine, finalement très citoyenne, décide de me rendre un Euro !

Gentille machine, moi qui doutais de toi, je me trompais lourdement : tu m’avais reconnu et tu as fait amende honorable.

Commentaires

  • Marc THIERRY (4 septembre 2006)

    Pour rajouter à :

    Gentille machine, moi qui doutais de toi, je me trompais lourdement : tu m’avais reconnu et tu as fait amende honorable.

    une autre citation

    Machines take me by surprise with great frequency.
    Alan Turing

    Mais bon fais attention à force de parler aux machines cet homme-là n’a pas eu une très jolie fin...

    Répondre à Marc THIERRY

  • Stéphane (5 septembre 2006, en réponse à Marc THIERRY)

    Mais bon fais attention à force de parler aux machines cet homme-là n’a pas eu une très jolie fin...

    De toute façon toi et moi passons toute notre vie connectés, alors on sait bien que le monde réel n’existe pas :)

    Répondre à Stéphane

  • Emmo (10 septembre 2006)

    Les hommes demanderont de plus en plus aux machines de leur faire oublier les machines. ;)

    Répondre à Emmo

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