Ce « vautrer par le bas » qui devient religion d’État

François Bon, dans le métro, voit des publicités pour Orange et commente :

[…] seulement, c’est ce vautrer par le bas qui devient religion d’État, culture à la place de la culture, et la principale ponction de fric, elle n’est pas pour les livres, mais pour nos abonnements asservissement – vous êtes prévenus : Internet (la 4G, bizarre mot fait d’un chiffre une consonne et pourtant on comprend) c’est juste ça le terminal – le chat suédoises, les potins de couloir à lire, la planète à se torcher avec – et c’est ce bien ce monde-là qui est en train d’avaler le nôtre : il y a encore quelque temps, on pouvait croire que tout ça était souterrain, subreptice, couvant, mais dans nos souterrains de maintenant c’est dit : l’aveulement, c’est déjà l’avènement.

(Je travaille chez Orange, je ne commenterai pas le fond des publicités ici, mais je ne m’interdis pas de discuter de la question du fond sociologique, dont acte.)

Constat terrible, le fait qu’Internet n’est plus qu’un entonnoir à engraisser les oies sur leur canapé, qu’on ne le voit plus que comme un vecteur de médiocrité.

Ce n’est pas récent, certes ; on en parle depuis un moment dans les milieux qui réfléchissent, mais alors que la publicité il y a vingt ans promettait aux gens plus d’humain (le monde à portée de clic, où l’on pourra créer et discuter, et pourquoi pas un monde sans guerre parce qu’on pourrait finir par se comprendre un peu mieux et qu’on rechigne davantage à tuer un ami qu’un étranger), elle montre maintenant le net tel qu’il est. Certes, on objectera que la publicité est prescriptrice pour un nombre important de gens qui la regardent, mais elle ne fait bien souvent que mettre en évidence les courants sous-jacents de la société en flattant ses penchants : sexisme, sport sur canapé.

Quand j’ai commencé, on prenait Internet pour un repère d’anarchistes-gauchistes-pédophiles. Secrètement nous espérions qu’il devienne un média comme les autres, et nous arguions avec véhémence que non non, c’est un endroit extraordinaire, tenez, pas plus tard qu’hier je discutais avec un copain en Inde, un autre en Écosse, j’ai répondu à une question d’un Australien et un Allemand m’a dépanné, un gars du Colorado m’envoie des photos d’un ours qui est passé sur sa terrasse et une copine en Israël me fait découvrir Utah Saints. Et nous voilà vingt ans plus tard, les internets ont gagné leur « lettres de noblesse », ils sont devenus le nouveau média de masse, à parts égales avec la télévision, et il n’y a finalement pas de quoi se réjouir.

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