Régressif

Deux fois en une semaine j’ai évoqué mes douze ans. Ça doit être l’âge qui veut ça.

Il y a une semaine, avec les enfants, on est allés voir (devine) Star Wars VII. C’était sympa, avec un petit air de déjà-vu, comme une confiserie que tu as aimée dans ton enfance, quoi. Avec des grosses émotions de revoir ces gens (Leia, Han, Luke) et le temps qui ne les a évidemment pas épargnés.

Un ou deux coups de théâtre plus tard, j’étais ému aussi de voir que contrairement à l’habitude, les légendes peuvent vieillir – et mourir [1].

Je sors de là plus secoué que je ne le pensais, des émotions contradictoires qui font que l’expérience au cinéma est réussie : des moments joyeux, un enthousiasme aux premières notes du générique (et ce texte qui défile, à l’ancienne, et ce petit pano vertical entre le fond étoilé et une planète exotique, tout y est), des moments d’émotion pure (retrouver des « amis de trente ans », si je puis dire), une énergie de blockbuster bien ficelé.

Bref, le silence qui suit, c’est encore du Mozart, comme on dit.

Je n’ai pu m’empêcher de penser que pendant deux heures, j’ai eu douze ans à nouveau.

Et puis hier, un cadeau de gens que j’aime plutôt bien m’arrive : Fantastic Four by John Byrne volume 1. Une brique de 1100 pages environ, retraçant les six premières années du travail de John Byrne sur les Quatre Fantastiques.

Je feuillette, je vois les influences de Jack Kirby par endroits (au début du moins, John Byrne n’avait pas encore complètement sa « patte » significative), les visages de femmes à moitié pâmées qui m’évoquent les tentatives de bandes dessinées romantiques de la Marvel ; je feuillette et j’arrive vers la fin du volume, dont je sais que je le relirai posément, page après page, bulle après bulle, pour la saveur d’un temps qui n’existe plus, bah bah bah, tout fout le camp et c’était mieux avant.

Et que vois-je, à la fin ? Les premiers épisodes que j’ai lus, au collège, dans Nova. J’avais… douze ans environ.

Ma douce me parle, je ne l’entends plus. Je suis dans un autre lieu et un autre temps : j’ai douze ans et je m’épate de ces histoires épiques, cosmiques, et familiales à la fois.

L’observateur attentif notera qu’à chaque fois il s’est agi d’œuvres escapist [2], et que ça peut dire beaucoup sur l’ancrage à la réalité comme générateur de sérieux et sur le besoin de s’en échapper.

En tout cas c’est Noël. Faisons semblant d’être des enfants, lâchons prise. Paix et amitié sur le monde.

Notes

[1Mais je me suis promis comme tout le monde de ne rien révéler, pour les copains qui ne l’ont pas encore vu, alors chut.

[2Anglicisme difficile à traduire évoquant l’évasion de la réalité : « œuvres d’évasion » sonne bizarrement je trouve.

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