Ma lettre aux Députés de l’Essonne

Le courrier électronique que je viens d’envoyer ce lundi 4 mai aux Députés de l’Essonne dont j’ai pu trouver l’adresse mail. J’invite mes gentils lecteurs à faire de même.

Mesdames et Messieurs les Députés de l’Essonne,

Je suis citoyen de l’Essonne et je vais voter chaque fois qu’on m’y appelle, c’est vous dire si je suis un bon citoyen.

Je me permets d’attirer votre attention sur le projet de loi renseignement qui sera proposé au vote demain mardi 5 mai. Ce projet, vous en avez sans doute entendu parler, est considéré comme une bonne chose par la majorité présidentielle et comme une aberration par bon nombre de nos concitoyens.

Ce projet croit au pouvoir magique de « l’algorithme », que Rue89 dans un article édifiant décrit comme intrusif et inefficace (je vous renvoie à la lecture de ce très bon article). Je vous épargne l’explication des faux positifs, vous savez aussi bien lire que moi.

Vous me direz, comme Eric Schmidt quand il était PDG de Google, que vous-même n’avez rien à cacher, et donc rien à craindre d’une indexation de toutes vos activités en ligne.

Or en vertu de l’Article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, toute personne a droit au respect « de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ».

La censure que ne manquerait pas de s’imposer un citoyen qui s’inquiète de ce qu’on peut écouter de lui l’empêcherait de penser et de s’exprimer librement. Et, voyez comme tout est cohérent au pays des Droits de l’homme, la Liberté est la première des trois vertus fondamentales dont se pare notre démocratie.

Je me permets de vous citer un extrait du très bon article sur le sujet de Laurent Chemla :

Permettez, malgré ma colère, que je vous pose une question, une seule : vous comportez-vous de la même manière quand vous êtes seul que lorsque vous savez qu’on peut vous voir ?

Parce que, si la réponse est "non", alors comprenez, je vous prie, que quand l’État aura placé ses grandes oreilles partout, vous n’aurez plus le loisir de vous battre pour le moindre combat. Que celui-ci est le premier de tous les autres.

Parce que, quand on se sait potentiellement surveillé, on n’agit pas, on ne pense pas librement.

(je vous renvoie à l’article complet, qui vaut largement le temps passé).

Sachez bien que les moyens techniques de contourner ces outils de surveillance existent (le réseau Tor, le chiffrage, etc.) et que n’en pâtiront que ceux qui ne savent pas mettre en place ces outils de contournement. Autrement dit : dans la plupart des cas, ce ne seront justement pas les gens que cette loi est censée coincer qui subiront cette écoute systématique et sans discernement.

Enfin, à en croire la presse lors du dernier attentat déjoué, le suspect avait un profil atypique qu’on n’aurait pas pu détecter. Preuve encore une fois de l’inefficacité d’une telle loi. (J’ai perdu la référence en ligne, vous me pardonnerez j’espère.)

J’en terminerai en vous parlant du vote sur les boîtes noires. Les hommes et femmes politiques, après chaque élection, se désolent de l’abstention croissante : on répète à l’envi dans tous les médias que les Français « n’ont pas compris notre message », « expriment leur désaveu », que sais-je encore. Que penser alors du fait que seuls 30 députés étaient présents pour le vote qui conduit à l’adoption du principe de boîtes noires pour espionner tout le trafic internet français chez les hébergeurs ? (à lire ici mais là encore vous devez être au courant).

Allez, parions que vous ayez confiance dans le gouvernement actuel et son affirmation de la vertu de sa démarche. Dites-moi seulement comment on pourra un jour revenir en arrière avec le gouvernement suivant ? Dites-moi que le spectre d’un durcissement de l’autorité de l’état ne vous fait pas peur ? Dites-moi que vous n’avez rien à cacher ?

Le sujet est important, structurant pour ce que la France représente et pour l’avenir de notre Nation. Le simple citoyen que je suis serait profondément choqué d’imaginer que par votre inaction (abstention et absentéisme) ou par votre assentiment vous permettiez qu’une telle loi soit entérinée. Elle est contre-productive, et, faut-il le rappeler, extrêmement dangereuse pour la démocratie.

Vous me pardonnerez je l’espère de ne pas vous avoir téléphoné, comme on nous conseille de le faire : je suis malentendant et les moyens de communication électroniques ont ma faveur. Pour l’instant.

Je vous prie d’agréer, Mesdames et Messieurs les Députés, l’expression de mon respect démocratique, et j’espère que vous saurez faire un choix qui ne fera pas honte à ce pays.

Merci de m’avoir lu.

Stéphane Deschamps

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